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Plus de filles dans les écoles d'ingé ? «Il faut des modèles inspirants !»

30 décembre 2022 Les Elèves et les Alumni
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Avec 28,7 % de filles en école d’ingé, les associations, écoles et entreprises de la tech s’allient pour équilibrer les promos et tendre vers plus de mixité dans les écoles. En jeu, la place des femmes dans la société de demain.

Ces jours-ci s’ouvre à Angers le salon « Connected women ». Au programme, deux jours de rencontres, de conférences et d’ateliers consacrés aux métiers de la tech, avec une particularité : ils sont destinés exclusivement aux femmes.
De tels événements, dont l’objectif est de valoriser les métiers des sciences et de l’ingénierie auprès des lycéennes, se multiplient partout en France, dans des centres de congrès comme au sein des établissements scolaires, pour toucher directement les élèves, là où ils travaillent. Avec un enjeu, que les femmes participent à concevoir de nouveaux véhicules ou à développer des matériaux innovants.
 
Fondée il y a 15 ans, l’association « Elles bougent » a été l’une des premières à envoyer des « marraines », étudiantes ou cadres, dans les collèges et lycées pour y rencontrer les élèves et expliquer qu’ingénieur est également un métier pour les femmes.


Femmes ingénieurs, des modèles inspirants


Son format – le témoignage de pair à pair -, fonctionne bien. « Écouter une autre femme raconter son quotidien, lui poser des questions, découvrir que c’est possible… Il n’y a rien de tel pour enclencher des vocations », encourage Sabine Lunel-Suzanne, sa nouvelle directrice. « Il faut des modèles inspirants. »
 
« Tout cela reste assez méconnu, notamment lorsqu’on vit loin des villes et que l’on ne côtoie pas des femmes ingénieurs au quotidien », constate Sophie Hilpert, de la cellule Égalité Diversité et Inclusion à l’école Les Mines Nancy. L’établissement participe au dispositif « Cordées de la réussite », qui met en place du tutorat entre étudiants et élèves des quartiers populaires, afin de les inciter à entamer des études supérieures.

Car s’il y a si peu de femmes qui se projettent dans ces métiers, c’est notamment de la faute de stéréotypes sexistes, qui veulent que les femmes et la technique, ça ne matche pas. Des préjugés que ne supporte plus Violette, 22 ans, en dernière année à Polytech Nantes.
Dès son retour de Lituanie, où elle est partie en Erasmus, elle ira elle aussi témoigner auprès des collégiennes de son quotidien d’ingénieur-conductrice de travaux, pour casser le mythe du « métier d’hommes » : « Il faut que cela évolue. » Après avoir longtemps hésité entre « architecture » et « génie civil », elle sait désormais que ce qui lui plaît est de « travailler sur les chantiers », et ce, même si elle y a peu de consœurs.
 
L’enjeu est important : elles devront rapidement se projeter dans un secteur, choisir leurs spécialités de Première, avant de s’inscrire sur Parcoursup… À peine 2 à 3 ans devant elles ! « D’où l’importance de venir leur expliquer en quoi consiste ce métier, qui ne se réduit pas à la seule production, mais qu’on retrouve partout dans l’entreprise : ingénieur achat, qualité, R&D… », développe Sonia Wanner, qui dirige l’ESEO, en 5 ans après le bac, et est habituée à animer des rencontres avec les scolaires.


La parité filles-garçons, une question de survie pour les écoles

 

Témoignages, visites d’écoles ou d’entreprises, organisation d’ateliers Code ou Escape game, speed-meetings de métiers… Si les écoles d’ingénieurs se mobilisent autant en 2022, c’est qu’elles sont sévèrement menacées : après avoir progressé pendant trente ans pour atteindre 28 % des promotions en moyenne en 2012, la part des jeunes filles dans les effectifs stagne depuis, et ce, même au sein des meilleures écoles d’ingénieurs.

 

Mauvaise nouvelle, le chiffre serait même en train de s’effondrer « depuis la dernière réforme du bac, qui, en multipliant le choix des spécialités possibles a relégué chez les lycéennes le choix des Maths, des Sciences Physiques et des Sciences de l’ingénieur », s’alarme Marie-Thérèse Lehoucq, qui préside l’Association des professeurs de sciences physiques et chimie (AdPPC).
 
Effet immédiat : une désaffection sévère des jeunes filles, pourtant parmi les élèves les plus brillantes, pour ces cursus d’ingénieurs, déjà concurrencés historiquement par d’autres disciplines - les filles ayant toujours opté pour les filières du management, de la santé ou de la biologie.
« Il n’y a pas si longtemps ne considérait-on pas que la finance ou la médecine n’étaient pas accessibles aux femmes ? » soupire Viviane Madinier-Ritzau, secrétaire générale de Femmes@numériques, une fondation qui, soutenue par une quarantaine d’entreprises (Microsoft, Orange…), finance dans toute la France des opérations de communication sur les métiers du numérique.
Devant l’angoisse de chaises vides à la prochaine rentrée - les écoles d’ingénieurs perdant chaque année des talents féminins, notamment celles proposant des spécialités dites techniques (type génie électrique, mécanique, systèmes embarqués…), il a fallu réagir. Et imaginer autre chose que de la communication.
Leurs maquettes mettent désormais en avant, dans la présentation des cursus, des atouts susceptibles d’attirer les jeunes filles : à l’instar des écoles de management, elles insistent sur l’importance des langues et des séjours à l’international, le travail en autonomie – ou l’esprit d’équipe, les notions de développement durable et de transition énergétique, la possibilité de décrocher un double diplôme ingénierie et santé, architecture, management, etc.


Rendre les écoles plus attrayantes


« Lors des portes ouvertes, nous expliquons également en quoi les cours, comme celui sur l’intelligence artificielle, ne sont plus abordés de manière théorique mais directement via des travaux pratiques » poursuit Sonia Wanner, la Directrice de l’ESEO : « On fait tout de suite manipuler les élèves ». Objectif : dédramatiser la question du niveau scolaire requis et démontrer que le cursus, loin d’être l’apanage de quelques « héritiers », est devenu accessible à tous.

Le mode de recrutement est également en réflexion et, si elles s’en défendent, des écoles essaient déjà de diversifier leur sélection en élargissant les candidatures, exclusivement réservées jusque-là aux seuls lycéens présentant le fameux combo « Maths » + « Sciences physiques »… qui ne fait plus recette.
 
« Devenir ingénieur, c’est l’assurance d’embrasser une carrière passionnante » Philippe Dépincé, président de la CDEFI
Ces efforts suffiront-ils à attirer de nouvelles étudiantes ? Pas sûr, tant l’inquiétude est grande dans les écoles qui n’ont pas encore encaissé l’impact de la réforme du lycée, celles qui recrutent majoritairement après deux ans de classe préparatoire ou après une filière universitaire.
Et pourtant, « devenir ingénieur, c’est l’assurance d’embrasser une carrière passionnante, sans chômage, bien rémunérée, dans laquelle les jeunes femmes réussissent brillamment ! » , égrène Philippe Dépincé, président de la commission Formation et société de la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI), un organe qui distingue chaque année les meilleures opérations de valorisation réalisées auprès des jeunes filles.
Comment imaginer en effet, à l’époque de la parité hommes-femmes, un avenir commun sans que les femmes n’y jouent un rôle ? « Notre société a autant besoin des filles que des garçons. »

 

Par Agnès Morel Le 24 novembre 2022 




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