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Quel avenir pour l'aéronautique ?

14 mai 2021 Divers
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On est nombreux à travailler ou à avoir travaillé dans le monde aéronautique, c'est article devrait vous intéresser.

La crise sanitaire a rebattu toutes les cartes du marché des avions courts, moyens et longs-courriers. Entre économie et écologie, comment initier la reprise ?

«Le marché va reprendre entre 2023 et 2025 pour les court et moyen-courriers. Pour les long-courriers, il faudra attendre un peu plus longtemps. » Voilà, en substance, ce que Guillaume Faury, le grand patron d'Airbus, a annoncé le 14 avril à ses actionnaires lors de la dernière assemblée générale. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le gourou de l'aéronautique européenne est resté d'une prudence de Sioux. « Tant que la pandémie n'est pas maîtrisée, il serait malhonnête de faire des prévisions précises », considère Rémy Bonnery, de la société de conseil Archery Strategy Consulting. Rien n'empêche pourtant d'imaginer le monde d'après, car la crise Covid a rebattu toutes les cartes. « Il y a un avant et un après, dit Nadia Pellefigue, vice-présidente de la région Occitanie chargée du développement économique. Avant, les industriels se demandaient surtout comment tenir les cadences. Après, ils parlent de plus en plus d'avions décarbonés. »

Révolution verte. La révolution verte est en marche, timidement. Sa traduction la plus spectaculaire est le lancement par Airbus, en septembre 2020, d'un avion à hydrogène à l'horizon 2035. Un sacré pari : si les moteurs actuels pourront encore servir moyennant quelques modifications, l'architecture de l'« avion du futur » devra être totalement revue pour recevoir un réservoir d'hydrogène liquéfié à - 253 degrés, doublé éventuellement d'une pile à combustible. La décision d'y aller ou pas sera prise en 2025. En parallèle, le géant de l'aéronautique travaille sur le recours aux biocarburants ou aux carburants de synthèse, même si le chemin sera long, très long, car l'outil de production pour ces jet-fuels est pratiquement inexistant. Ce qui n'interdit pas de faire des tests : récemment un A350 a volé avec des réservoirs pleins à 100 % de biocarburant durable.

Avion « propre ». La région et le pôle de compétitivité d'Aerospace Valley, de leur côté, accélèrent la mise au point d'avions légers hybrides ou électriques (l'EcoPulse de Daher, l'Integral R ou l'Era d'Aura Aero, l'Atea d'Ascendance Flight technologies…). « Décarboner l'aérien ne se résume pas à l'avion à hydrogène, c'est aussi optimiser les trajectoires, mieux gérer le trafic aux abords des aéroports. C'est trouver de nouveaux matériaux composites, améliorer l'aérodynamisme des appareils. Tous ces métiers sont présents en Occitanie », rappelle Nadia Pellefigue. Et Christophe Cador, PDG de Satys, leader européen de la peinture d'avions, qui préside aussi Tompasse, club de réflexion réunissant des industriels d'Occitanie, grands et petits, d'expliquer : « L'avion propre, c'est aussi une révolution dans le processus industriel et dans les liens entre les PME et les grands groupes. C'est une nouvelle façon de penser nos métiers. » La crise ? Ce PDG « l'a vue de près » : premières pertes depuis une vingtaine d'années, baisse de 35 % du chiffre d'affaires, licenciements…

Compétitivité. « On voit beaucoup de souffrance », résume Alain Di Crescenzo, président de la chambre de commerce et d'industrie d'Occitanie. Pourtant, paradoxalement, la crise a eu aussi des effets bénéfiques. « Avant, les patrons n'avaient pas le temps de réfléchir. Il fallait livrer, livrer, et livrer… Avec le Covid, ils ont pu se poser. La crise les a aussi poussés, plus qu'auparavant, à raisonner compétitivité. Enfin, de l'argent a été mis sur la table », explique Yann Barbaux, président de l'Aerospace Valley. Beaucoup d'argent. Pour sauver les emplois, avec le financement du chômage partiel, ou pour sauver les trésoreries, avec les prêts garantis par l'État. « Sans ces aides, il y aurait eu un bain de sang », souligne Rémy Bonnery. Au-delà de ces mesures d'urgence, l'État a débloqué des fonds pour la relance et la recherche, avec, notamment, 1,5 milliard d'euros pour l'avion décarboné. Sans la crise du Covid, ces sommes n'auraient sans doute pas été mobilisées aussi rapidement. La région, elle, a rajouté au pot, avec un nouveau plan Ader (100 millions) et en équipant le campus technologique de Francazal. Autant de balises pour l'avenir.

Humilité. Sauf que, dans l'immédiat, la question qui taraude tout le monde est plus terre à terre : quand les affaires repartiront-elles ? « Aujourd'hui, les industriels avec qui je discute sont beaucoup plus humbles qu'avant l'été dernier en plein déconfinement, remarque Nadia Pellefigue. Ils avouent ne pas savoir ». Il y a une chose, en tout cas, sur laquelle le doute ne « plane » pas à Toulouse : « flygskam » (honte de prendre l'avion, en suédois) ou pas, le trafic aérien dans le monde ne pourra que croître. « On ne peut pas aller en Australie à la nage », s'amuse Christophe Cador. Ces certitudes se fondent sur la démographie. « En supposant qu'en Europe les gens, individuellement, voyagent moins, l'émergence des classes moyennes en Asie et demain en Afrique sont l'assurance que le trafic aérien ne baissera pas », explique Alain Di Crescenzo. Il faudra donc de plus en plus d'avions.

En attendant, la reprise se joue entre les constructeurs, qui veulent maintenir coûte que coûte leur production, et les compagnies aériennes, qui ont trop d'avions dans leurs flottes. Les discussions portent sur les calendriers de livraison. À cause des caprices de la pandémie, la demande repartira d'abord pour les moyen-courriers. Les long-courriers ne viendront que plus tard, car « le trafic international va reprendre plus lentement », pense Rémy Bonnery. Airbus a livré 863 avions en 2019, record historique. Selon l'expert en aéronautique, « pour retrouver ce niveau, il faudra sans doute attendre la fin de la décennie ». D'ici là, il va falloir tenir. « Le moment le plus dur se produira quand l'État va débrancher ses aides », s'inquiète Alain Di Crescenzo. « Attention aux bombes à retardement », avertit Yann Barbaux. « Certaines entreprises n'étaient pas au mieux avant la crise, relève Christophe Cador. Elles ont eu davantage de mal à la traverser. »

Résistance. Dans cette épreuve, les entreprises ne sont toutefois pas complètement déboussolées. « Dans notre industrie, nous avons une colonne vertébrale constituée d'Airbus, Safran, Dassault, Thales et des équipementiers. Le trafic aérien s'est effondré en Europe de 80 %, mais Airbus n'a pas réduit d'autant sa production. C'est pour cela que nous tenons. Airbus informe de ses rythmes de production à venir. Cela donne un cadre à la filière », poursuit Christophe Cador. Jusqu'ici, le constructeur a d'ailleurs fait preuve de résistance, même si, l'an dernier, il a accusé des pertes (1,3 milliard d'euros).

Il se retrouve en tout cas en meilleure posture que son grand rival, l'américain Boeing, qui multiplie les déboires : le 737 Max immobilisé durant vingt mois ; la suspension du programme sur le NMA, long-courrier moyen-porteur, concurrent de l'Airbus A321 XRL promis à un bel avenir, et enfin les défauts de fabrication sur le 787 Dreamliner. « La décennie qui vient sera à l'avantage d'Airbus », en déduit Rémy Bonnery. Si, en plus, c'est celle où l'on décide de lancer l'avion à hydrogène, Airbus aura alors « un coup d'avance ». Et le rêve de Nadia Pellefigue se concrétiserait : « Je veux que ce soit l'Occitanie qui sorte le premier gros avion écolo. »

Article paru le 11/5/2021 sur Le Point.fr




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1 Commentaire

Gérard PEREZ (TARBES 8)
Il y a 2 ans
Oui je crois au redemarage de l'aéro, qui sera encore un grand support au developpement eco.
Les "degressifs" ou les reveurs qui ne pensent pas plus loin, que la zone de dispersion d'une fumée de cigarette, plus de co2 .... , que des batteries , et autres illusions dangereuses, devraient penser plus global et aprés ils pourraient enfin avoir un avis plus refléchi et cohérent

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