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Rentrée post déconfinement : le temps du manager

05 août 2020 La Presse
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Durant le confinement il a pu se sentir parfois dépassé et son apport encore une fois questionné. L’environnement risqué de la rentrée sera pour le manager l’occasion d’apporter toute sa valeur.


27 juillet 2020

Nombre de managers se sont retrouvés en difficulté durant le confinement, alors même que leurs équipes montraient leur capacité d’autonomie et cette confiance que l’entreprise devrait leur accorder hors contrainte d’une urgence sanitaire. En tirer une conclusion hâtive sur l’impact réel du manager dans l’organisation ou encore de bénéfices hors norme de l’autonomie serait une erreur.

Le confinement : le temps des salariés et des premiers de corvées

Le confinement nous a rappelé l’importance de ces métiers oubliés, les premiers de corvées, qui ont permis la continuité de l’essentiel dans nos vies. Il serait souhaitable de ne pas les replonger dans l’oubli pour les ressortir à la prochaine crise. La reconnaissance est une valeur majeure quand on a l’ambition de placer l’Humain au cœur de son projet. Les salariés nous ont massivement montré par l’exemple que sans préparation ou presque, ils pouvaient fonctionner en toute autonomie malgré un télétravail forcé. Il serait alors facile de décréter l’autonomie comme la clé du monde d’après aux vues de la démonstration du confinement. Ce serait oublier qu’ils ont continué à faire durant cette période les mêmes tâches essentielles qu’ils maîtrisent, privilégiant l’urgence à l’efficience. C’est le principe même du fonctionnement en mode dégradé.

Certains auront dû par ailleurs compenser cette autonomie forcée par plus d’investissement personnel. Les détresses psychologiques d’après confinement constatées sont-elles liées à celui-ci ou encore à un surinvestissement pour garantir la réalisation des tâches requises ? Les entreprises auraient intérêt à aborder ce sujet avec chaque salarié, passé le temps libérateur des congés. Cette autonomie forcée aura par ailleurs montré en quoi certains process ou règles qui ont dû être laissés de côté, mériteraient d’être questionnés, représentant en final plus de freins à la performance que d’efficacité ou garanties supposées de risques. A chaque entreprise d’en tirer les leçons pour un avenir proche où elles auront plus que jamais besoin de l’énergie utile de leurs salariés.

Des managers face à l’inconnu

Si les équipes se sont retrouvées dans la difficulté de comment faire chez elles ce qu’elles savent bien faire, les managers se sont retrouvés chez eux dans l’incapacité de faire ce qu’ils savent bien faire. Ils ont été confrontés à des situations jamais vécues auparavant ou presque et sans aucune préparation. Comment animer non pas des équipes à distance mais des personnes isolées et confinées ? Dans l’incapacité de garantir l’efficience de l’organisation ou encore les divers projets d’amélioration mis en jachère sous contrainte sanitaire, quel rôle s’attribuer ?

Comment être un relai avec la direction de l’entreprise alors même qu’ils se retrouvent également isolés chez eux ? Le confinement a bien été un miroir grossissant de nos pratiques managériales. Ceux qui plaçaient l’Humain dans leur management ont su naturellement quoi faire, pour les autres cela a été une autre affaire. Comment par ailleurs reprocher à ces derniers ce manque quand l’Humain n’est pas au cœur de la culture de l’entreprise ? Si un dirigeant comme Pascal Demurger a su spontanément s’adresser à l’ensemble des salariés de la MAIF dès le début du confinement, rompant ainsi la terrible sensation d’isolement que d’autres ont dû subir, combien se sont centrés sur le business et rien que le business ?  On n’instaure pas une culture de l’Humain à 2 jours d’un confinement.

Il est vrai que cette période a révélé plus que jamais les limites des managers qui le sont devenus par erreur. Les bullshit jobs ont aussi eu droit aux projecteurs face au silence (absences ?) de certains managers. Cela n’est malheureusement pas une caricature, ces derniers n’existant heureusement que dans les structures ayant le luxe de pouvoir se les offrir. Si ces réalités font bien entendu le bonheur du manager bashing sur les réseaux sociaux, face à du jamais connu, la majorité des manager a fait ce qu’elle a pu.

Une rentrée où le manager devra apporter toute sa valeur

Dans un environnement désormais risqué entre crise sanitaire et financière, le manager aura toute sa valeur à apporter. Là où le monde d’avant le plaçait face à de néfastes injonctions paradoxales qu’il subissait plus que ne générait, le manager devra les transformer en saine dualité pour survivre dans cet environnement risqué. Pour éviter que le chaos ne devienne désordre il devra ordonner tout en limitant au maximum les ordres. Il devra décider, trancher et en même temps écouter, consulter, réviser son jugement, laisser ses collègues choisir.

Il devra accepter de ne pas savoir sans pour autant laisser la situation sans action. Il devra prendre de la hauteur pour ne pas se laisser déborder et être plus que jamais sur le terrain pour ressentir ou agir. Il devra accepter l’imprécision, l’erreur, et renforcer l’excellence dans le service au client. Il devra anticiper, écrire divers scénarios de sortie de chaos et être proactif, avoir toujours ce coup d’avance qui l’empêchera de subir le quotidien. Il devra laisser tomber un budget de toute façon perdu et son contrôle, et suivre au plus près les indicateurs clés de survie.

Il n’y a pas de management mais des situations de management

Dans le monde d’avant, les modes managériales ont d’abord cherché à supprimer le manager. Face à cette faute majeure qui aurait dû les disqualifier, elles ont alors tenté de minorer son apport en le transformant en simple jardinier ou coach dont le rôle serait de faire grandir. Si cette mission est aussi noble que nécessaire, elle est surtout terriblement réductrice. Le chaos a cette vertu de nous ramener à l’essentiel, à la réalité des diverses facettes du métier de manager.

Sans doute lié au défi qui s’annonce, on voit revenir depuis quelque temps sur les réseaux sociaux des termes oubliés comme mobiliser ou encore leader qui décide, qui prends ses responsabilités. Il aura donc fallu une situation extrême à venir pour rappeler des principes déjà mis en avant au siècle précédent par Hersey et Blanchard et leurs travaux sur management situationnel. Le management est tout autant persuasif (mobiliser) que directif (ordonner/structurer), délégatif (responsabiliser/faire grandir) que participatif (associer/co construire). Au manager de savoir s’adapter aux diverses situations qu’il devra savoir identifier, et déterminer ainsi quel type de management exercer.

Il aura tout intérêt alors à se rappeler le confinement et notamment que ses collègues se sont très bien débrouillés sans lui. Cette autonomie forcée, il devra la convertir en autonomie adaptée. Alors ce temps où il a été questionné, il saura le conserver et le transformer en temps de création de valeur. Un manager qui n’apporte pas de valeur en retranche. C’est une question de vision et de culture avant même de personne. C’est aussi un enjeu stratégique dans les situations de risque comme celle que nous allons vivre. La rentrée sera sans aucun doute le temps du manager.

Loïc Le Morlec,
ancien cadre supérieur de grands groupes (Danone, Diageo, Nestlé Waters, Veolia, Univar France), spécialiste en organisation.




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