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LOU BENOIST / ARCHIVES AFP
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26 janvier 2023

Transition climatique : quels métiers vont massivement recruter dans les années à venir ?

Changement climatique oblige, le marché du travail est appelé à se transformer en profondeur dans les années à venir : de nouveaux métiers vont apparaître, d’autres devraient fortement diminuer. Les secteurs du bâtiment, de l’énergie, des transports vont particulièrement évoluer. Portrait-robot d’un marché du travail en pleine mutation.


 L’avenir du marché du travail est doucement en train de se dessiner. Comme à l’époque de l’essor du numérique, les enjeux climatiques vont infuser dans tous les secteurs. Et provoquer une transformation en profondeur du marché du travail. Quels sont les métiers appelés à décoller ? À s’effondrer ? Quels métiers vont recruter ?

Les versions varient, en fonction des organismes et des méthodes de calcul mais tous dressent la même tendance : tous les emplois vont verdir, et certains secteurs vont se transformer. Le bâtiment, l’énergie, l’agriculture et la mobilité vont être directement touchés. « Tous les métiers vont y contribuer d’une manière ou d’une autre. Les compétences environnementales sont amenées à se diffuser dans l’ensemble des professions », explique Cécile Jolly économiste à France Stratégie.

La rénovation énergétique des bâtiments va massivement recruter

La rénovation des bâtiments est le secteur le plus pourvoyeur d’emplois dans les années à venir. Un vrai défi pour les entreprises et les salariés. | GETTY IMAGES/ISTOCKPHOTO

C’est l’un des secteurs clés de la transition énergétique. Pour respecter l’engagement du gouvernement de rénover 700 000 logements par an d’ici 2030, en vue d’atteindre la neutralité carbone en 2050, la filière de la rénovation énergétique devrait recruter à tour de bras.

Le bâtiment est l’un des secteurs qui va être appelé à se transformer le plus dans les années à venir. « Les compétences vont évoluer : la construction d’un bâtiment neuf et la rénovation, ce n’est pas pareil. Rénover sur du bâti existant, c’est souvent plus compliqué, méticuleux », insiste Cécile Jolly. Il faudra aussi tenir compte des nouvelles normes et des résultats attendus.

Pour tenir les objectifs en matière de réduction des émissions, le secteur de la rénovation du bâti ancien devra embaucher au moins 100 000 personnes de plus d’ici 2030, tous niveaux d’études confondus.

Parmi les nouveaux métiers recherchés : architectes et ingénieurs dans l’efficacité énergétique, ouvriers du bâtiment spécialisés dans la rénovation énergétique… Mais aussi des techniciens spécialistes des mesures d’efficacité énergétique. « Il faudra qu’on puisse prouver que la rénovation énergétique a été effectuée en bonne et due forme », poursuit l’économiste.

Pour faire travailler ensemble toutes ces nouvelles spécialités, les métiers de la coordination seront aussi très recherchés, comme les architectes maîtres d’œuvre ou les chefs de chantier spécialisés.

Pour arriver à recruter suffisamment de personnes, la filière mise sur la formation des jeunes, mais aussi et surtout sur la formation continue.

Vers la fin des constructions de bâtiments neufs

Selon certains scénarios les plus ambitieux, la transition énergétique va conduire à la fin de la construction de bâtiments neufs. « C’est l’une des principales sources d’émissions de GES avec le transport », précise Cécile Jolly. « La première raison de l’artificialisation des sols c’est le logement », complète Yannick Saleman, chef de projet emploi et politiques industrielles au sein du Shift Project. « Elle a aussi un impact sur la biodiversité, et c’est un sol qui n’aura plus sa fonction d’absorption de carbone. »

Cette soudaine réduction devrait entraîner la migration des ouvriers de la construction vers des métiers tournés vers la rénovation. 200 000 emplois devraient être détruits à horizon 2050, estime le Shift Project.

Regain de l’agriculture avec les nouvelles pratiques

Contrairement à une tendance constatée ces dernières années, l’agriculture devrait reprendre du poil de la bête. Et même en créer 500 000 emplois, grâce à la relocalisation et l’arrêt de certaines pratiques, estime le Shift Project.

Conséquence du changement climatique, l’agriculture va se transformer : avec les dérèglements du temps et des saisons, les cultures produisent moins. Le consommateur réclame aussi plus de bio, moins de pesticides.

La transformation des pratiques est un passage obligé, estiment les spécialistes. « Si on veut décarboner l’agriculture, il faudra moins de machines, moins de pesticides, moins d’engrais… et plus de gens »résume Yannick Saleman. « La permaculture, par exemple, demande un niveau d’emploi très important », complète Cécile Jolly. La France reviendrait ainsi à son niveau d’emploi des années 1990 dans le secteur.

Autre conséquence de ces transformations : 50 000 emplois seront perdus dans les industries chimiques.

La voiture électrique, une nouvelle façon de travailler

Des employés de l’usine Renault sur la chaîne d’assemblage d’une Zoé électrique à Flins-sur-Seine, en mai 2020. | MARTIN BUREAU / ARCHIVES AFP

Dans les 10 prochaines années, la voiture électrique va connaître une transformation très forte. Un changement en grande partie lié à l’interdiction de vente des voitures thermiques à partir de 2035 en Europe. Des véhicules « plus faciles à produire » que des voitures thermiques, pointe Cécile Jolly. Plus de facilité, moins de main-d’œuvre, et donc, moins de recrutements.

Le Shift project évalue la perte à environ 200 000 emplois sur la filière industrielle pour 2050. Le think tank anticipe aussi une baisse de 35 % de l’usage de la voiture, réduisant mécaniquement le nombre de véhicules vendus, ce qui aura un impact sur la vente et la réparation de voitures, à hauteur de 180 000 emplois en moins dans ces deux secteurs.

La fabrication de batteries made in Europe, prônée par Emmanuel Macron, pourrait doper quelque peu l’emploi, comme les services autour de la location de voitures, du covoiturage ou encore de la recharge de batteries.

Les métiers du vélo pourvoyeurs d’emplois

Le métier de réparateur de vélo est appelé à se développer dans les années à venir. | GETTY IMAGES / ISTOCKPHOTO

Si la voiture perd du terrain, c’est pour laisser en partie la place au vélo, moyen de transport plus doux en ville. Pour équiper les Français, la fabrication de vélos devrait s’accélérer et le secteur pourrait recruter 50 000 emplois nets pour 2050.

Les réparateurs de vélos devraient sortir leur épingle du jeu : 200 000 emplois pourraient être créés, toujours à horizon 2050. Ce qui équivaut à peu près à la perte d’emplois dans l’automobile. Yannick Saleman y voit une opportunité : « On peut tout à fait imaginer qu’un certain nombre d’employés du secteur automobile se redirigent vers les métiers du vélo, que ce soit l’industrie, la réparation ou la vente. Il y a des passerelles, des choses à construire. Et plus tôt on le fera, mieux ça marchera. »

Des emplois dans les énergies renouvelables

Vue aérienne du parc éolien offshore en mer de Saint-Nazaire. | FRANCK DUBRAY / ARCHIVES OUEST-FRANCE

Ça semble couler de source : les énergies renouvelables feront partie des secteurs à fort recrutement dans les années à venir. Et pourtant, ça n’est pas si évident. Le Shift Project, par exemple, n’a pas évalué cet impact. En partie parce qu’il considère que c’est toute l’économie qui doit « verdir », et qu’il ne faut pas se concentrer uniquement sur les emplois dits « verts ».

Le syndicat des énergies renouvelables (SNR), lui, veut y croire : sur la décennie 2020-2029, il table sur 100 000 emplois créés, en se basant sur la PPE, la Programmation pluriannuelle de l’énergie définie par la France. Et notamment dans l’éolien en mer, avec de nouveaux parcs inaugurés dans les années à venir et une production la plus française possible. Dans ce secteur, le SNR a déjà identifié des métiers en très forte tension : soudeur, chaudronnier, électricien… L’éolien terrestre et le bois (poêles à granulés, chauffage collectif…) pourraient aussi être de forts pourvoyeurs d’emplois.

Le défi du recrutement

Ces métiers d’avenir manquent souvent d’attractivité. Avec de nombreux départs à la retraite, l’agriculture, par exemple, risque de connaître de fortes tensions. Autre obstacle : le manque de mixité de certains métiers, qui attirent beaucoup d’hommes et peu de femmes, ce qui réduit d’autant le nombre de candidats. C’est notamment le cas du bâtiment.

Pour être au rendez-vous des enjeux de demain, des efforts vont devoir être faits par tous les acteurs, que ce soit les entreprises, les filières, l’État, les régions, expliquent tous les spécialistes. Pour Cécile Jolly, « c’est même une condition que la transition écologique se passe bien ». Un avenir à préparer dès aujourd’hui.

 

Ouest-France  Lucie BRAS.

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