Elle ne se voit pas et pourtant la pollution numérique n'a rien de virtuelle. Même dématérialisée, la digitalisation de notre société a un impact bien réel sur le réchauffement climatique. Nos activités numériques génèrent déjà 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre et cette empreinte carbone est appelée à augmenter fortement avec la multiplication de nos pratiques.

Si les usages numériques se poursuivent au rythme actuel (un trafic de données multiplié par six et un nombre d'équipements en hausse de près de 65 %), l'empreinte carbone du numérique en France pourrait augmenter de 45% à horizon 2030 pour atteindre 25millions de tonnes équivalent CO2. Cette empreinte pourrait même tripler d'ici 2050, alertent, dans une étude, l'Arcep et l'Ademe, respectivement l'autorité de régulation des télécoms et l'agence de la transition écologique.

Un gros point noir : la fabrication des terminaux

Bonne nouvelle, il est possible d'agir concrètement pour préserver la planète. Il convient tout d'abord de lutter contre les idées reçues et d'avoir les bons ordres de grandeur en tête. La même étude nous apprend ainsi que 79% de l'empreinte du numérique provient des équipements (smartphones, ordinateurs, écrans…), 16% des centres de données et 5% des réseaux télécoms.

Cela tombe bien, c'est sur les équipements qu'une entreprise peut directement agir alors que les datacenters et les infrastructures réseaux dépendent des fournisseurs cloud ou des opérateurs télécoms. Si l'on zoome maintenant sur ces terminaux, on apprend que ce n'est pas tant leur utilisation (21% de leur empreinte carbone) ou leur transport (1%) qui posent un problème mais leur fabrication (78%).

Selon l'Ademe, il faut mobiliser en matières premières l'équivalent de 50 à 350 fois du poids d'un appareil électronique pour le construire. Soit 800 kg pour un ordinateur portable de 2kg. A lui seul, la conception d'un smartphone nécessite 70 matériaux dont certains rares comme l'argent, l'or ou le tantale, sans parler du volume d'eau nécessaire à leur extraction ni des déchets produits.

Allonger la durée de vie des équipements

"Autrement dit, avant même que nous n'utilisions notre dernier smartphone ou ordinateur flambant neuf, il a déjà produit près de 80% des émissions de gaz à effet de serre qu'il émettra durant sa (trop courte) vie", rappelle l'étude. Il convient donc d'allonger la durée de vie de ces équipements bien au-delà de la période habituelle de renouvellement ou d'amortissement fiscal, généralement fixée à trois ans pour les mobiles et cinq ans pour les ordinateurs.

Pour prolonger cette durée de vie, il convient de choisir des matériels présentant l'indice de réparabilité le plus élevé (note sur 10). Les fabricants qui jouent cette carte de la durabilité, comme Fairphone dans les mobiles, facilitent l'accès à leurs composants (écran, batterie, caméra) et donc leur remplacement.

Cet allongement de la durée de vie butte parfois sur des prérequis technologiques. Un ordinateur, pourtant en bon état de marche, devra être remplacé car son système d'exploitation ne peut plus supporter une mise à jour logicielle ou des patchs de sécurité. Le recours à l'open source permet de se soustraire à cette "obsolescence programmée".

Privilégier les matériels reconditionnés

Enfin, le meilleur matériel est celui qu'on ne fabrique pas. Une filière de la seconde main s'est constituée et professionnalisée en France avec des acteurs comme Back Market ou Recommerce. Comme le rappelle un décret du 17 février 2022, un matériel reconditionné fait l'objet d'une vérification complète afin de s'assurer de son bon fonctionnement et toutes les données du précédent utilisateur sont effacées.

Pour éviter la multiplication des terminaux, vous pouvez aussi encourager en interne le recours au Byod (Bring your own device), soit l'utilisation par le collaborateur de son propre smartphone ou ordinateur portable dans le cadre professionnel. Ce qui diminue mécaniquement le nombre de terminaux en circulation. En contrepartie, l'employeur finance tout ou partie de l'achat du matériel ou du forfait mobile.

Sensibiliser ses collaborateurs aux écogestes

Même si l'usage des équipements, on l'a vu, a un impact mesuré en termes d'émission de CO2, vous pouvez promouvoir au sein de votre entreprise des comportements vertueux. En ce qui concerne les terminaux mobiles, il est conseillé de privilégier la connexion wifi au réseau mobile en 4G/5G, de réduire la luminosité de son écran, d'activer le mode économie d'énergie et de limiter au strict nécessaire les options (Bluetooth, géolocalisation…) et le nombre de notifications.

De l'envoi d'e-mails à la visioconférence, il est également possible de réduire l'empreinte carbone du travail collaboratif. Cela suppose notamment de réduire le nombre de mails échangés et d'éviter l'envoi de pièces jointes en privilégiant la coédition de documents en mode cloud. Le Digital Cleanup Day, qui se tient chaque année en mars, peut être l'occasion d'un grand nettoyage de printemps en appelant vos salariés à supprimer tous les fichiers inutiles qui encombrent les disques durs, les messageries et les serveurs partagés.

Des applications comme GreeT de Lecko ou Éco Portail de Bouygues Telecom permettent aux collaborateurs de mesurer les émissions de CO2 de leurs pratiques numériques et de suivre les progrès réalisés en matière de réduction à un niveau individuel ou collectif. L'occasion d'associer transition énergétique et engagement collaborateur alors que la prise en compte des enjeux environnementaux devient un critère clé d'attractivité et de fidélisation des talents.

source: Xavier Biseul JDN