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16 novembre 2021

Avec le télétravail, "on ne montera plus à Paris, on y passera"

Publié par Michel MURAT (6)

 

Pour Jean Viard, sociologue parmi les meilleurs connaisseurs des territoires français, la pandémie a favorisé l'avènement d'une société de mobilités.


Quelles transformations la pandémie a-t-elle provoquées dans nos choix de vie ?

Jean Viard : Dans nos modèles de société un peu périmés, la pandémie agit comme un accélérateur de tendances. En France, une étude de l'Ifop, conduite en début d'année, montre que 10% de nos compatriotes ont l'intention de changer de vie. Soit 4,5 millions d'adultes. Le désir de mobilité s'est accru, des grands centres urbains vers les territoires, de l'appartement exigu au loyer exorbitant à la maison avec jardin, dans une petite ville à proximité d'une gare, voire à la campagne.

Le triomphe de la métropole monocentrée est derrière nous. Paris avait déjà commencé à se dépeupler, perdant 59.000 habitants en cinq ans entre 2011 et 2016. La migration s'amplifie. On veut vivre aujourd'hui à côté de la ville, même si celle-ci continue de concentrer les lieux de production. On ne "montera" plus à la capitale. On y passera.

Vous pronostiquez l’apparition d'un nouveau modèle d'hybridité urbaine.

Le numérique nous donne aujourd'hui la possibilité de vivre un pied dans la ville et un pied dans la campagne, sans avoir à choisir l'une au détriment de l'autre. D’où l'émergence d’un schéma d'hybridité urbaine peut-être inédit dans l'histoire. Le télétravail devient la norme, complété par des rendez-vous physiques : on estime que 60% des actifs peuvent travailler en partie à domicile.

Lors du premier confinement, près de 1 million de Franciliens, poussés par le virus vers leur maison de campagne ou celle de leur parents, ont expérimenté le travail à distance. Mais la métropole ne s'affaiblit pas pour autant. Elle se réinvente en "hyperville", intégrant de plus en plus l'extérieur, une sorte de ville "hors les murs". La société de demain sera celle de la "birésidence", avec l'entreprise dans les grands centres urbains et le coworking ou le télétravail dans les petites villes et les villages.

Dans cette dynamique de mobilité, il y a, dites-vous, un désir d'humaniser son environnement. Mais tout le monde n'est pas logé à la même enseigne…

Il y a en effet deux types de territoires périurbains. Celui, populaire et subi, du foncier pas cher dans des endroits sans âme, structuré autour des désormais symboliques ronds-points, où les résidents se disent "à une heure de Paris" ou d'une autre métropole, faute de réseaux d'appartenance locale. Et puis le périurbain choisi, en pleine expansion, celui de la classe numérique des cadres et des indépendants qui ont le pouvoir sur leur emploi du temps, celui des résidences secondaires ou des communes en vogue, plébiscitées pour leur forte identité locale, comme Mortagne-au-Perche. Le numérique renforce la place du domicile. On va investir de plus en plus dans "le proche". 

Comment démocratiser ce modèle ? Je pense qu'il faut partout recréer du commun, là où il y a un collège, des services publics, un tiers-lieu intégrant des espaces de coworking ou une halle de marché. Tendre des liens entre ces deux villes hors les murs sera l'un des grands enjeux politiques des prochaines années.

 Cet article est issu du magazine Management

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