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Anienit
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24 décembre 2020

Tour du monde de Lavina : 5- Guatemala

 

Guatemala City : Le Che  (03/12/2018)

Je passe une journée dans Guatemala city avant de m’envoler tôt, demain matin, vers la Colombie. Cette capitale est exécrable, le phénomène des Maras s’est fortement développé et crée une véritable psychose. Des gangs armés s’attaquent principalement aux commerçants qui pour avoir la vie sauve doivent débourser les contreparties réclamées. Le leader semble être un mafieux venu des Etats Unis et familier avec les trafics de drogue entre autres. Du coup, cette ville de Guatemala, laide mais paisible et ouverte à la rencontre il y a trente ans, se recroqueville le soir venu ; chacun prie pour ne pas croiser un de ces énergumènes. Guatemala city ne vaut plus le détour sauf pour moi...


 

Si tu as suivi mon voyage en Amérique latine de l’année dernière, tu sais combien le souvenir d’Ernesto Che Guevara m’est cher. Jusqu’à ce qu’il rencontre Fidel Castro, c’était un homme brillant, avide de connaissance, épris de justice sociale, un sportif accompli malgré son asthme chronique ; petit à petit, il est devenu le révolutionnaire légendaire encore encensé. Lorsqu’il débarque à Cuba, il opte pour abandonner sur la plage la caisse des médicaments et préférer celle des munitions : si j’apprécie le parcours de l’aventurier jusqu’à ce moment-là, je n’aime pas le guérillero qu’il devient et qui tuera de sang-froid. Lors de mon précédent passage ici à Guatemala city, je n’avais pu me rendre dans deux lieux importants, témoignant de son séjour dans la capitale : le restaurant El Portal et le petit hôtel-pension Meza.

 

Ernesto Guevara voyageait depuis 3 ans sur le continent latino américain pour donner un sens à sa vie. Il passa neuf mois au Guatemala en 1954. A son arrivée, le pays était dirigé par Jacobo Arbenz, un président socialiste. Il est destitué par un coup d'État orchestré par la CIA pour annihiler une réforme agraire qui touchait la grande propriété rurale de l'United Fruit Company. C’était peu après l’arrivée du Che et ce fut le motif principal pour rester au Guatemala. Il entra en contact avec des intellectuels et des hommes politiques, principalement au restaurant El Portal. Au début, le Che y parlait de poésie, puis son propos dériva vers la politique. C'est là qu’il façonne progressivement l’idéologie qui le rapprochera de Castro l’année suivante. Il rencontre un anglo-américain étrange, le professeur Harold White qui écrit des trucs sur le Marxisme et les fait traduire en espagnol par Hilda Gadea. Le Che donne des leçons d'espagnol à l'anglo-américain. Ils vivent tous les trois à la pension Meza. Et la jeune révolutionnaire péruvienne tombe enceinte et Le Che l'épouse. A Guatemala City, un restaurant et un hôtel témoigneront du basculement d''Ernesto Guevara du baroudeur qu’il était au communiste convaincu qu’il deviendra.

Le « portalito », désignation actuelle du café-restaurant, se situe dans le passage Rubio, une galerie emplie de boutiques d’orfèvrerie. Il fut inauguré en 1932 et reste, depuis, un lieu de rencontre très apprécié. On y entre par une double porte battante. A droite, un long bar, à gauche, un orchestre en étage avec la marimba qui accompagne les convives. Un mobilier d’origine, obscur ; un plafond haut avec peu d’éclairage assombrit davantage l’endroit. Quasi toutes les tables sont occupées et l’ambiance est chaleureuse ; un couple danse juste à côté de la table que l’on me propose. Je commande deux antojitos, c'est la spécialité maison ! le premier avec saucisse, guacamole et oignon doux sur galette de maïs ; le second comprend diverses micros galettes de maïs, surmontées de je ne sais quoi, peu importe, ça emporte la bouche ! Les plats sont petits mais la bière Gallo est grande. J’imagine le Che dans une telle atmosphère, des photos noir et blanc aident au souvenir… mais là, je ne suis pas vraiment entouré de poètes. Deux grosses nanas viennent s’installer à la table voisine et veulent prendre des photos avec le beau jeune homme repu d'antojitos. Rapidement, je fuis ces rondeurs felliniennes si envahissantes et si peu affriolantes !

Je remonte deux rues et traverse, à gauche, vers l’hôtel Meza. Les hôtels du centre historique ont de grosses portes métalliques verrouillées en permanence. Je profite de l’entrée de clients pour pénétrer dans cet hôtel vieillot. Je sais par internet que la chambre 21 était celle du Che. Si le patio principal est verdoyant et agréable, les individus que je croise ont des mines patibulaires. Lorsque je croise le gardien des lieux, dans les dédales de ce « palace pour les sans-le-sou », je lui demande : « Puis-je entrer dans la chambre du Che ? », « De qui ? » me répond-il… « de Ernesto Guevara ! », « C’est qui ? … », « celui qui occupait, il y a quelques temps déjà, la chambre 21 », « Attendez, venez avec moi ». Et le voilà qui prend un téléphone de l’époque du Che et appelle, je ne sais qui… Oui, vous pouvez y aller ! Gracias hombre ! La porte était entrouverte. La chambre 21 est un petit musée dédié au Che, où le plus gros meuble, est un lit étroit sans son matelas. Un petit quart d’heure d’émotion et de recueillement !

Yves Lavina (4)

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