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06 mai 2021

Histoire d'une SCOP : La SAPEX

 

Qu'est-ce qu'une Scop ?

Juridiquement, une Scop est une société coopérative de forme SA, SARL ou SAS dont les salariés sont les associés majoritaires et le pouvoir y est exercé démocratiquement.

Les salariés détiennent au moins 51 % du capital social et 65 % des droits de vote. Si tous les salariés ne sont pas associés, tous ont vocation à le devenir. Chaque salarié associé dispose d’une voix, quel que soit son statut, son ancienneté et le montant du capital investi.

Les informations liées à la vie de l’entreprise circulent en toute transparence et les décisions stratégiques sont l’expression du plus grand nombre.

Dans une Scop, il y a un dirigeant comme dans n’importe quelle entreprise mais celui-ci est élu par les salariés associés.

Le partage du profit est équitable :

  • une part pour tous les salariés, sous forme de participation et d’intéressement ;

  • une part pour les associés sous forme de dividendes ;

  • une part pour les réserves de l’entreprise.

Impliqués, les salariés sont motivés par le système de répartition équitable des bénéfices. Au moins 40 % sont distribués aux salariés.

Les réserves, impartageables et définitives - en moyenne 40 à 45 % du résultat - contribuent tout au long du développement de l’entreprise à consolider les fonds propres et à assurer sa pérennité.

La SAPEX qui a employée de nombreux ENIT en est un exemple.


 SAPEX : une entreprise créée en 1971 par Michel Beaufort (qui en restera PDG jusqu'à la fin de la Scop), Pierre Darous et Denis Douche. Michel est un ingénieur A&M entré à l'arsenal de Tarbes pour un projet de diversification, avec l'objectif de concevoir la première machine à commande numérique française (mécanique et électronique).

La machine a vu le jour sous le nom «ATS 600», mais le projet a été arrêté sur décision gouvernemental, un arsenal ne devait faire que de l'armement, et la machine a été commercialisée par Graffenstaden. Michel avait en parallèle piloté un projet de fin d'études de 3 élèves ingénieurs de l'INSA Toulouse : «créer un système de programmation automatique de machines, le PAM». (en même temps, notre ami Jean Claude Pasquies créait le système Promo avec l'agence Adepa hébergée par l'Enit). Michel, n'ayant pas du tout envie de travailler pour l'armement, a quitté l'Arsenal pour créer l'entreprise SAPEX avec deux des jeunes ingénieurs INSA, le troisième est parti dans la jeune société CNI à Lyon, autre système de programmation Elan. Et on a là le panorama des trois systèmes français (Promo, Elan et Pam) concurrents, dont la vocation était d'ouvrir aux PME l'accès à la commande numérique.

Le premier client de Sapex a été à l'export, en Belgique. Un des problèmes était alors l'absence de moyens de simulation des programmes. Les écrans graphiques sont apparus une dizaine d'années plus tard, et les traceurs (Benson) étant à rouleaux, on ne voyait pas les mouvements du stylo en temps réel. Il a donc fallu concevoir (mécanique et électronique) un traceur à plat, Thales. L'axe X était une traverse avec deux moteurs pas à pas, l'axe Y un chariot avec un moteur.
Je suis arrivé en 1976 comme stagiaire, puis travail d'été, pour réaliser des programmes d'usinage pour Socata, qui n'avait pas de système de programmation. J'ai été embauché en 1978, en avril avant la sortie de l'école, pour continuer à développer le Pam. Nous étions alors 19 personnes. Les machines étaient des mini-calculateurs de bureau de marque Burroughs, programmés en assembleur (langage SL3 puis SL5). Ils avaient démarré avec 8K octets de mémoire (oui, des kilos, pas des mégas ou des gigas !), en 1978 je travaillais avec 256K. Pour faire de la géométrie, il faut absolument les fonctions sinus, cosinus, et racine carrée. J'ai donc écrit ces trois développements limités ! On a ensuite diversifié en portant notre système sur mini-ordinateurs Wang, qui avaient l'énorme avantage d'avoir un écran (texte, pas graphique).

Un ingénieur électronicien, Christian, et un mécanicien Claude, ont été intégrés à l'équipe à peu près en même temps que moi. Il faut savoir qu'à l'époque, il y avait très peu de CN intégrables facilement (c'était le début de la NUM 460). Nous avons donc développé une machine à cabler (mécanique et électronique) pour le client Jeumon-Schneider, un véritable exploit pour l'époque. Le montage a été réalisé ... dans la grange de la ferme voisine. Car une autre particularité de notre entreprise était d'être située dans l'ancienne école d'un village de 70 habitants. Des armoires de commande numérique ont été créées pour Socata, pour numériser d'anciennes machines Forest. Puis des CN très spéciales pour Ceraver, première utilisation d'un microprocesseur Z80. Ceraver a fermé juste après la livraison, et ça a été la fin de l'aventure électronique, devenue économiquement non viable avec l'arrivée de CN à bas coût (Num et Fanuc). Cette équipe s'est orientée vers la connexion directe des CN sur ordinateurs, en remplaçant le couple perforateur-lecteur de ruban par un boitier électronique (gros comme une valise). Premier client Aérospatiale, toutes les usines, acheteur ... un certain Jean-Luc.



Je ne raconterai pas ici la suite de cette époque antique, jusqu'en 1998, où nos systèmes ont bien évolué en même temps que l'informatique avec les systèmes MSDOS, Unix, puis Windows. La raison principale de la fin de l'aventure, s'il faut en trouver une, a été l'impossibilité pour une si petite équipe de suivre les évolutions trop rapides. Nous commencions à développer sur un système, six mois après il était déjà dépassé. Nous avons terminé à 50 personnes, dont une trentaine d'ingénieurs, parmi lesquels une dizaine de commerciaux.
Mais Sapex a été connue surtout pour son mode de fonctionnement social. Nous étions en Scop parce que ça correspondait à notre façon d'être. Cet aspect social fera l'objet d'un autre article plus tard.

Auteur

Professionnel : Travail dans le domaine de la machine à commande numérique, 20 ans en SCOP puis 17 ans en indépendant.

Personnel : avec ma chérie, nous avons été famille d'accueil sous plusieurs statuts. En tout, une trentaine d'enfants ont partagé notre vie pour des durées allant de quelques heures à 8 ans. En plus bien sûr des trois «nôtres».

A la rubrique décoration ci-dessous, j'aurais aimé trouver «merde de pigeon sur l'épaule gauche».

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Commentaires

3 Commentaires

André DAUDE (TARBES 11)
Il y a 2 ans
J'en reparlais avant-hier avec Michel Beaufort, on rigolait à l'idée que tout ce que nous avons fait à l'époque, nous avons été les premiers, mais maintenant on le trouve (en général gratuit) sur le réseau magique. Ça n'enlève rien à notre fierté. Notre interlocuteur à Socata, aujourd'hui décédé, avait beaucoup d'admiration pour nous. Il m'avait dit un jour (après tout ça) : «si vous aviez aimé le pognon, vous auriez été ... Bill Gates !» . Et moi de lui répondre « heureusement qu'on ne l'aimait pas, parce qu'on n'en avait pas». C'est vrai que nous n'avions pas cette ambition, nous voulions juste gagner notre vie, ce que nous avons assez bien réussi pendant 25 ans. Vivre et travailler au pays, entre Nay et Tournay, impossible selon un certain directeur !
André DAUDE (TARBES 11)
Il y a 2 ans
Durant ma carrière, j'ai été souvent en déplacement : 1000 nuits à l'hôtel et environ 300 dans les trains couchettes. Donc, trois repas par jour, en général seul, au restaurant. Aux tables voisines, en particulier aux petits déjeuners, il y avait d'autres solitaires, ou souvent des collègues qui mangeaient ensemble. Et là, j'entendais toujours la même discussion. Non, pas (ou rarement) des informations stratégiques de l'entreprise, ni même sur le travail en cours. Des discussion critiquant un collègue ou un supérieur, tous les jours, comme si c'était la même discussion que la veille qui continuait avec des acteurs différents. Le pire, pour eux, était la promotion d'un collègue qui les avait «dépassés» malgré son «incompétence», si c'était une femme c'est sûr qu'elle avait couché.
Oui, j'étais indiscret, mais comment faire autrement, ils étaient à un mètre de moi. J'ai entendu ça des centaines de fois. S'ils étaient deux ou trois, c'était quasi-systématique. Au-dessus, c'était plus rare, ça parlait plutôt du chantier en cours, ou alors ça déconnait.
J'ai l'impression d'avoir été une sorte de sociologue, dans ces moments, voyant une constante de la souffrance au travail. Et je ne crois pas avoir vécu ça à Sapex.
André DAUDE (TARBES 11)
Il y a 2 ans
Ingénieurs ENIT passés chez nous, sauf erreur ou oubli :
Gérard Cassou (9)
Charles Castellazzo (9)
Bernard Condamines (10)
André Daude (11)
Jean-Luc Tournerie (12) (décédé)
Alain Combes (13) (décédé)
Christian Begué (16)
Bernard Lionet (16)
Jean Noel Félices (17)
Jean-Pierre Nicaise (17)
Christophe Aliaga (19)
Jean Luc Bé (22)
Christophe Saunier Baudin (23)
Pascal Chayne (24)
Alain Lanxade (24)
David Pliquet (27)
Stéphane Mahé (29)

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